Une bulle à la surface du champagne est une sphère quasiment parfaite séparée de l'atmosphère*1 par un fin film de champagne ; la force qui permet la présence de ce film est appelée tension superficielle. Deux types d'éclatements peuvent être observés pour la bulle de champagne, dictés par la présence ou non de molécules tensioactives : l'éclatement spontané et l'éclatement retardé.
Ce premier phénomène est très simple, il s'agit de l'amincissement progressif du film liquide au fur et à mesure que la bulle monte. Ce film se désintègre lorsque la capillarité du champagne ne suffit plus à sa cohésion, les molécules tensioactives étant très peu nombreuses.
Le deuxième phénomène, l'éclatement retardé, est un peu plus complexe et est lié à la présence de nombreuses molécules tensioactives qui rigidifient la paroi de la bulle, lui permettant de survivre un peu plus longtemps. Une double paroi de ces molécules tensioactives se forme donc lors de l'arrivée de la bulle à la surface, séparée par le film de champagne.
Cependant, que l'éclatement soit retardé ou spontané, il a toujours lieu, aucune bulle n'étant éternelle. L'étape suivante est donc identique dans les deux cas. Le film de champagne s'amincit très vite sous l'action conjuguée de la poussée d'Archimède et de la pression capillaire (1). Cette phase est appelée phase de « drainage ». En environ une milliseconde, il atteint une épaisseur critique d'environ 100 nm et devient ainsi trop vulnérable pour résister aux vibrations et infimes changements de température : la bulle éclate. Le processus d'éclatement se déroule extrêmement rapidement. Tout d'abord un minuscule orifice circulaire apparaît au sommet du film -donc à l'endroit où ce dernier est le plus mince- et se propage à une vitesse d'environ 10 m.s-1 sous l'effet de la tension superficielle(2). Ce processus ne dure que quelques dizaines de microsecondes.
Après cet éclatement, une cavité apparaît donc à la surface du liquide. Cependant, le liquide, selon ses propriétés, cherche très vite à revenir à l'horizontale : c'est le processus d'hydrodynamique qui commence alors, afin de respecter ces propriétés fondamentales . Ce phénomène se produit systématiquement de la même façon: la petite cavité causée par l'éclatement s'effondre sur elle-même et provoque un mince filet de champagne qui jaillit à environ 1 m.s-1. Cette vitesse rend très vite le jet de champagne instable et ce dernier se brise en gouttelettes. La surface du liquide est alors piquetée de centaines de jets minuscules se brisant a leur tour en gouttelettes. Ces dernières ont un grand rôle à jouer en dégustation; elles accélèrent l'échappement des arômes*2.

La cavité causée par l'éclatement de la bulle à des conséquences, surtout si la bulle a éclaté juste après la chute de la mousse, c'est-à-dire pendant les quelques dizaines de secondes durant lesquelles la surface du champagne présente une monocouche de bulles. Lorsqu'une bulle éclate dans ces conditions, elle crée une cavité qui déforme les bulles attenantes. Elles se trouvent ainsi violemment étirées vers la dépression dans la partie inférieure de la cavité causée par l'éclatement de la bulle. Cet étirement résulte de l'opposition entre la dépression sous le liquide et le film des bulles qui est en surpression. Or le fluide, selon ses propriétés, se déplace toujours des zones de haute pression aux zones de basse pression.
Cependant, les bulles n'éclatent pas en « cascade » comme nous pourrions le croire mais arrivent à reprendre leur forme initiale. Pourtant, lors du drainage et de l'effondrement des mousses aqueuses, ces « cascadent » peuvent se produire. De magnifiques images où l'agencement des bulles peut nous faire penser à des fleurs sont alors observables grâce à des outils de grande précision.

Ces « explosions » permettent également l'envoi dans l'air d'une infime quantité de liquide très chargée en tensioactifs et très aromatiques, ce qui joue un très grand rôle en dégustation
MOUSSE
Nous savons que plus il y a de tensioactifs présents dans le liquide, plus les bulles survivent longtemps à la surface du champagne donc lorsque de nouvelles bulles arrivent, celles-ci n'éclatent pas. L'amas de bulles constitué forme la mousse*3. Ainsi, plus il y a de tensioactifs, plus il y a de mousse. Pour illustrer ce propos, nous pouvons comparer la limonade, la bière et le champagne bien sûr. Lorsque l'on verse ces trois liquides dans des éprouvettes graduées, nous pouvons remarquer que la mousse formée par la limonade ne subsiste que quelques secondes, la mousse formée par le champagne dure quelques instants de plus et enfin, la mousse généré par la bière dure plusieurs minutes. Or, on sait que la concentration de tensioactifs bière < champagne < limonade. Nous pouvons donc en déduire que plus la concentration en tensioactifs est grande, plus la « durée de ve » de la mousse est grande. En somme, durée de vie = nombre de molécules présentes/nombre de bulles éclatant par unité de temps.
La décroissance de la mousse est due à d'une part à la pression, donc au poids des bulles c'est à dire à la gravité. Ainsi, plus il y a de mousse plus la pression sur les bulles du bas est importante ce qui résulte soit en leur éclatement, soit en leur fusion, ce qui les affaiblit considérablement.
La fusion est donc un autre facteur de la décroissance de la mousse car lorsque le volume de la bulle augmente, la concentration en tensioactifs reste quasi inchangée. La paroi est donc affaiblie et la bulle est beaucoup plus fragile.
La mousse a une structure très précaire car les bulles forment une pyramide, un réseau où le champagne peut circuler et comme la gravité attire le liquide vers le bas, nous pouvons observer l'écoulement du champagne et donc l'amincissement du filet de champagne entre la double paroi de tensioactifs.
Atmosphère*1 : couche gazeuse qui enveloppe la Terre et d’autres astres
Arôme*2 : parfum qui se dégage de certaines substances
Mousse*3 : écume à la surface de certains liquides